Animal


Tu es belle. Tes seins matchent avec ton visage.
Premier éclat de rire. Drôle de compliment.
Oui, oui, ils sont ronds et pleins.
Houla, quand on tombe dans un trou mon homme, il faut arrêter de creuser. J’aime sa voix, son sourire, la façon dont il m’observe du coin de l’œil.
Tu marches trop vite, on va nulle part.
Sourires.
Je n’ai pas l’impression d’aller nulle part, il est déterminé. Nous avions parlé de ce rendez-vous avec la même envie que les juifs qui se promettent un voyage à Jérusalem l’année prochaine, sans trop de conviction, mais quand même, ça serait cool. Il me frôle, s’approche et propose de s’asseoir. Il s’allonge.
Écoutes, de la musique, on y va?
Mais non, c’est fini.
Je suis sûre d’avoir entendu de la musique au loin. Ça y est, elle revient. Je me lève.
On s’installe près de la musique et après on bouge plus, promis.
Il sourit, se lève et marche à mes côtés d’un pas nonchalant. Un film africain est projeté dans le parc. Je choisi une place un peu en retrait, face à l’écran. Je m’étends sur l’herbe.
Tu vois, tu n’aurrais pas dû me dire de laisser ma veste dans le camion, j’ai froid au dos. C’est le problème des pantalons taille basse, toujours le dos nu.
Il dépose sa main sur moi. Il est chaud. Le contact de sa peau me fait frisonner.
Quelques mots sont échangés, j’ai déjà décroché du discours.
Je ne suis pas trop collé sur toi?
Juste sa main est déposée sur mon bras et son pied appuyé sur le mien. Je sens que la question est autre.
Non, tu as juste une main sur moi. Tu a la peau chaude.
Je pose ma main sur son bras. Il sait que je lis son regard sous ses faux airs de grand timide réservé.
Oui, très chaude.
Je me rapproche. Il me prend dans ses bras, m’embrasse.
C’est agréable.
Il a un sourire de contentement et un regard de félin en chasse.
Très !
C’est la seule parole qui veut sortir de ma bouche.
Je ne me souviens plus du reste, ni des gestes , ni des mots, ni du temps, ni de l’espace. Seul lien avec la réalité, les maudites bestioles qui nous devoraient tout cru.
Indécents, probable , mais inconscients de l’environnement , certainement.
Hummm, tu vois ça c’est l’avantage des pantalons taille basse, l’accessibilité.
Phrase idiote, juste pour souligner qu’il etait temps de se rapprocher dans un endroit plus privé. Il me sourit, acquiesce, rajuste son pantalon. Et là, surprise. Nous réalisons que le film est terminé, les lumières sont allumées, plus de 500 personnes sont en face de nous, cherchant la sortie et profitant du spectacle qu’innocemment nous avons donné. Fou rire. On se depêche et je l’entraîne à l’abris de la foule. Je sens la violence de son désir. On retourne au camion et on se dirige vers sa tannière.
J’arpente les lieux. Premiere visite chez lui, je me sens prisonnière de cet espace non famillier. Je découvre ses instruments de musique, sa salle de boxe, sa planche de snow sur le bord d’un mur, un fouilli organisé. Je fouine dans la salle de bain, sens ses parfums. Il n’aime pas me voir envahir son intimité. Je suis la bienvenue chez lui, mais en visite guidée. La chaleur est écrasante, même sans vêtements. Il est beau, magnifique. C’est un homme dans le corps d’un ado. Exactement l’inverse de moi, une ado coincée dans le corps d’une femme.
La suite, pure musique, vrai délice.

Je me sens dans l’œil du cyclone, tout est en douceur mais nous sommes sur une limite mince, tout peu basculer, violemment, un enchaînement de mouvements et un déchaînement de sensations.
Je le provoque, je veux défoncer ses barrières et je ne prends pas de risques contrôlés, fini les précautions, rien à fouttre des conséquences. Je sens cette force, vertigineuse elle m’attire. Il tombe d’épuisement. Je ne peux pas rester dans son univers, il a besoin de se ressourcer et moi d’être seule. Il me raccompagne dans ma tannière.
Tu veux dormir chez moi?
C’est une fausse proposition, il le sait. Juste pour lui dire que j’ai apprécié la nuit. Il sourit.
Je veux qu’on se revoit autour d’une table et discuter de Tout.
D’accord.
Tu vas me téléphoner ?
Je souris. Je l’embrasse, et encore, et encore, je ne veux pas perdre l’occasion de sentir, une derniere fois cette nuit, son corps sur le mien, voir ce regard qui me transperce, sentir son odeur et la chaleur de sa peau. Je sors de la voiture. Il attend que j’ouvre ma porte. La nuit s’arrête ici.

J’ai pris 2 douches ( en plus de celle prise ensemble), et je n’arrive pas à me débarrasser de son odeur. Le souvenir de son corps contre le mien me hante depuis mon reveil. J’aime son côté animal quand il lâche prise. C’est un volcan et je suis fascinée. Il a aucune idée de l’effet qu’il a sur moi. Il fausse les cartes, pense que je ne m’intéresse qu’à son corps ( ma réputation de mangeuse d’homme m’a tristement précédée), ignore les non-dits et transforme le sens de mes phrases. J’ai en tête une scène du film tiré du livre de San Antonio, la vieille qui marchait dans la mer. Non, non, c’est pas notre différence d’âge qui m’inspire. Je me souviens quand la vieille, interprétée avec brio par Jeanne Moreau, disait que sur le tas de bites qu’elle avait eu, c’est celle de son jeune plagiste dont elle voulait se souvenir. C’est étrange comme certaines personnes nous touchent, sans explication possible, viscéral et intime, une connection particulière.
Je ne sais pas si je vais le revoir. Cette nuit m’a enivrée et le charme ne s’est pas evanoui au matin. C’est un bonheur égoiste, un souvenir tatoué au fond de ma peau. Pas besoin de lendemain pour vivre à fond aujourd’hui. J’aime la vie, profondément, pour tout le plaisir qu’on s’autorise à avoir et celui qui nous est offert, sans effort, par inadvertance presque. Épicurienne un jour, en jouir toujours …